1958-1959, premières évocations de l’Aude dans la bande dessinée

     Le plus souvent l’Aude est évoquée dans des bandes dessinées historiques ou ésotériques à travers les thèmes de la croisade albigeoise, du catharisme ou du trésor de Rennes-le-Château. Les deux premières BD à évoquer ce département, publiées à la fin des années 50, appartiennent à d’autres thèmes. La première appartient à la célèbre série Blake et Mortimer, mêlant science-fiction, espionnage et archéologie. La seconde appartient à la série Timour que nous avons déjà présentée sur ce blog, et se déroule au haut Moyen Âge.

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Blake et Mortimer – S.O.S. Météores. Couverture de l’édition de 1959.

Blake et Mortimer – S.O.S. météores

     S.O.S. météores, la septième aventure du capitaine Blake et du professeur Mortimer a été publiée dans le journal Tintin à partir de janvier 1958 puis en album en septembre 1959. L’auteur de cette aventure, Edgar P. Jacobs, s’est souvenu du court séjour qu’il a effectué dans l’Aude au cours de la Seconde guerre mondiale. Mobilisé au sein de l’armée belge, il stationne avec son unité entre mai et août 1940 dans le village de Villeneuve-Minervois à 17 km de Carcassonne. C’est l’époque où, suite à l’exode face à l’invasion allemande, notre département sert de refuge. Joé Bousquet y accueillera notamment de nombreux artistes et intellectuels. Selon son propre témoignage Edgar P. Jacobs semble avoir apprécié l’hospitalité audoise. Et c’est pour faire un clin d’œil aux habitants de Villeneuve qu’il place le discours suivant dans la bouche d’un journaliste de la télévision française des années 50 :

     Signalons enfin qu’un instituteur de Villeneuve-Minervois, dans l’Aude, assure avoir vu et photographié une étrange boule de feu, qu’il prétend liée à l’actuel détraquement du temps. Voici ce document, que nous vous soumettons avec les réserves d’usage…

S.O.S. Météores, planche 10. Les professeurs Mortimer et Labrousse regardent à la télévision les effets d'une météo catastrophique sur l'Europe.

S.O.S. Météores, planche 10. Les professeurs Mortimer et Labrousse regardent à la télévision les effets d’une météo catastrophique sur l’Europe.

     La première apparition de l’Aude dans la bande dessinée semble relever de la science-fiction. Un thème qui a depuis fait flores dans notre région, notamment autour de Montségur, Rennes-le-Château et Bugarach où certains imaginent l’existence de bases extra-terrestres cachées.

Les trois formules du professeur Sato, tome 1, planche 17. Le japonais Kamamura San y parle comme un audois.

Les trois formules du professeur Sato, t. 1, pl. 17,publié en 1977. Le japonais Kamamura San y parle comme un audois

     Edgar P. Jacobs semble aussi avoir conservé de son séjour audois l’usage de quelques expressions. Toujours dans la série Blake et Mortimer, dans le dernier volume qu’il a pu mener à terme, Les Trois formules du professeur Sato, Jacobs prête l’expression suivante à l’un des personnages :

     « On y va !… Le temps de tomber la veste… »

     L’emploi du verbe tomber au mode transitif est en effet un occitanisme particulièrement répandu dans l’Aude. C’est en revanche une faute en français. Ce qui est surprenant c’est de retrouver ici l’expression tomber la veste dans la bouche d’un japonais !

La francisque et le cimeterre. Couverture de l'édition en album de 1961

La francisque et le cimeterre. Couverture de l’édition en album de 1961

Timour 11 – La francisque et le cimeterre

     L’année où S.O.S. météores parait en album, le dessinateur Sirius publie la onzième aventure des Timour. La francisque et le cimeterre paraît en feuilleton en 1959 dans le journal Spirou (n° 1124 à 1145), puis en album aux éditions Dupuis en 1961.

     Nous avons déjà évoqué cette série et son auteur dans un autre article de ce blog à, propos de l’album l’Or du gouffre dont l’action se déroule au XIIIe siècle dans les Pyrénées. Comme son nom le suggère, l’album La francisque et le cimeterre a pour cadre les combats entre Francs et Arabes dans le Sud de la France au cours de la première moitié du VIIIe siècle. Comme à son habitude Sirius commence son album par une longue didascalie destinée à situer l’aventure dans son contexte historique :

     Dans un irrésistible élan, les Arabes avaient franchi le détroit de Gibraltar. En dix-huit mois l’Espagne est soumise. Le temps de souffler, d’organiser leur conquête, et les rapides cavaliers maures franchissent les Pyrénées, narines dilatées. Les voici dans les riches plaines des Gaules. Moussa-ben-Hossaïr prend Narbonne, Carcassonne, pille et incendie les couvents et les églises et repasse en Espagne chargé de butin. Son successeur al-Haok reprend Narbonne, la fortifie pour en faire la base de ses opérations ultérieures. Les sarrasins assiègent Toulouse, s’avancent par la côte méditerranéenne jusqu’au Rhône, qu’ils remontent jusqu’à Lyon. Nîmes perd ses dernières splendeurs Arles ses derniers trésors, la Provence est dévastée. Abd-el-Hamman s’empare des grandes villes du sud-Ouest. Les étendards du prophète flottent au vent de l’Atlantique. Les burnous blanc escaladent les murailles de Bordeaux, qui flambe haut et clair. Eudes, le duc d’Aquitaine, s’élance contre l’envahisseur et essuie sur la Dordogne une défaite si cruelle que, ce jour-là, dit une vieille chronique, seul Dieu put compter les morts. Est-ce la fin de la chrétienté tout entière qui s’annonce ? Cependant un jeune guerrier franc, animé d’une activité dévorante, court de bataille en bataille. C’est Charles Martel, à grand coups de marteau de guerre. Il a forgé dans le Nord des Gaules un puissant état militaire.

Timour tome 11. Première case ouvrant l'album et situant le cadre de l'histoire.

Timour tome 11. Première case ouvrant l’album et situant le cadre de l’histoire.

    Dans cette aventure Timour est un guerrier au service d’Eudes, duc d’Aquitaine. Il est envoyé par le duc auprès de Charles Martel pour constituer une alliance contre les Arabes. Mais dans sa mission il doit faire face aux ennemis et aux traîtres : l’arabe Er-Rhim et ses alliés l’aquitain Grimoald et le provençal Mauronte. L’aventure se termine par la célèbre bataille de Poitiers en 732.

     Mis à part Poitiers, la localisation de l’action n’est jamais précisée. On devine seulement qu’elle se déroule à la limite de la domination des Aquitains (le duché d’Aquitaine de la Loire aux Pyrénées avec pour capitale Toulouse), des Arabes (l’ancienne Septimanie ou Gaule wisigothique avec pour capitale Narbonne) et des Francs au nord de la Gaule. Nous aurons l’occasion de parler à nouveau de cette B.D. dans un autre article.

Pour en savoir plus :

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3 commentaires pour 1958-1959, premières évocations de l’Aude dans la bande dessinée

  1. Alain dit :

    Toujours aussi intéressante cette rétrospective sur la bande dessinée et l’Aude…

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