Des hérétiques dans les Pyrénées catalanes à la fin du XIe siècle ?

     L’historien catalan Tomic qui écrit au XVe siècle, mentionne une expédition menée par le comte de Cerdagne, le comte et l’évêque d’Urgel contre des hérétiques « ariens » de leurs terres à la fin du XIe siècle. L’étude critique du récit conclut à la vraisemblance des faits mais propose deux hypothèses de datation. Soit les faits sont bien datables du XIe siècle. La mention d’ « ariens » est alors à rapprocher de mentions similaires en Aquitaine au début du XIe siècle et en Languedoc au XIIe siècle. Il y aurait alors dans les Pyrénées catalanes une tradition de l’hérésie qui aurait favorisé le développement du catharisme dans cette région au XIIIe siècle. Soit les faits rapportés sont un souvenir confus des conflits survenus entre la fin du XIIe et le milieu du XIIIe siècle entre les vicomtes cathares de Castelbon, d’une part, les comtes et l’évêque d’autre part.

Devant d'autel provenant d'une église de l'évêché d'Urgell, peut-être de la cathédrale. Second quart du XIIe siècle. (Barcelona, Museu Nacional d'Art de Catalunya).

Devant d’autel provenant d’une église du diocèse d’Urgell, peut-être de la cathédrale. Second quart du XIIe siècle. (Barcelona, Museu Nacional d’Art de Catalunya).

     On trouvera ci-dessous le texte intégral de l’article que j’avais publié en 2007 dans la revue Heresis, augmenté d’illustrations, de résumés en quatre langues et d’un complément bibliographique.

Des hérétiques dans les Pyrénées catalanes à la fin du XIe siècle ?

     Une histoire catalane rédigée par un certain Tomic[1] au XVe siècle mentionne des hérétiques à la fin du XIe siècle dans le comté d’Urgell, en Andorre et en Cerdagne. Bien que très connue, cette histoire ne semble pas avoir été utilisée par les historiens des hérésies[2]. Voici un extrait du texte en catalan :

Le texte

     /fol. XXXIII/ (…) Encare en lo temps del comte de Barcellona apellat Cap de Stopa dessus dit era comte de Cerdanya en Guillem Ramon ; loqual havia ab si vn caualler appelat Arnau de Perapertusa ; e enlo dit temps se foren tornades arrianes algunes gents qui eran christianes e stauen en les parts de Barrida e de Urgellet. E lo dit comte ab auida de Perapertusa e dels nobles cauallers e altres militars de son comtat conquista les dites gents arrianes ; e los castells en que seran meses per defendres del dit comte ; et com los hague conquistats dona dels dit castells al dit Arnau de Perapertusa caualler ; e al noble baro en Galceran de Pinos, quatre ; e volgue quels tinguessen en feu per ell ; e donan an Huc de Mataplana baro Destolas ; los quals lo dit noble baro dona al dit Arnau de Perapertusa. Encara dona lo dit comte al noble en Pere Daragall dos castells de aquelles lo hu appellat lo Quer Daragall e laltre Ensonel que vuy encare tenen. Encara dona lo dit comte al noble en Pere de Lordat vn castell ques diu Castell Nou ; e tot aco fou en lo temps del comte de Barcelona dessus dit.

Capitol .XXXIIII. qui monstra com en Ramon Berenguer fou lo VIIII comte de Barcelona qui conquista Mallorques. (…)/fol. XXXIIII v°/ (…)

     (…) En lo temps de aquets comte en Ramon Berenguer de Barçelona era comte de Vrgell n’Ormangol appellat de Ierp, loqual hauia leuada als moros la ciutat de Balaguer e axi mateix en aquets temps se havien leuats alguns heretges en son comtat e bisbat d’Urgell en la Vall de Andorra, e eran se mesos en certes fortalesas de la dita terra, e singularment en lo castell de Montleo, que vuy es dit Castellbo. E lo dit comte ab lo bisbe de Vrgell prengueren tots los hereges en les fortalesas desus dites e fon en lur companya aquell caualler de qui ia hauem parlat en la istoria del comte de Cerdanya appellat Arnau de Perapertusa. Lo qual pres lo castell dessus dit de Montleo. E feu tornar totes aquelles gents bons chrestians, e dix li Castellbo, e da qui auant ell se dit Arnau de Castellbo. E lo comte de Vrgell dessus dit feu lo noble hom, et veus aqui don exi la casa de Castellbo. Aquest comte n’Armangol d’Urgell tingue son comtat .XVIIII. anys e mori en l’any mil .LXXXII.

Traduction:

     Encore du temps du comte de Barcelone appelé Cap d’Estope, était comte de Cerdagne En Guillem Ramon, lequel avait un chevalier appelé Arnaut de Peyrepertuse. Et en ce temps quelques personnes qui étaient chrétiennes se firent ariennes. Elles demeuraient dans les environs du Baridà [haute vallée de la Segre entre la Cerdagne et Urgell] et de l’Urgellet [actuellement Alt Urgell ou région d’Urgell]. Le comte avec l’aide de Peyrepertuse, des nobles chevaliers et autres militaires de son comté, fit la conquête des dits ariens et des châteaux dans lesquels ils s’étaient réfugiés pour se défendre du comte. Après qu’il les eut conquis, il donna ces châteaux au chevalier Arnaut de Peyrepertuse et quatre au noble baron En Galceran de Pinós. Il voulut qu’ils les tiennent en fief pour lui. Ils donnèrent à En Hug de Mataplana baron d’Estolas ; lesquels ce noble baron donna à Arnaut de Peyrepertuse. Le comte donna encore au noble En Pere d’Aragall deux châteaux, lesquels il appela l’un le Quer Daragall, et l’autre Ansovell qu’il tient encore aujourd’hui. Le comte donna au noble En Pere de Lordat un château qui est appelé Castell Nou; et tout ceci fut au temps du comte de Barcelone ci-dessus.

Chapitre 34, qui montre comment En Ramon Berenguer fut le neuvième comte de Barcelone et comment il conquit Majorque.

(…)

     Du temps de ce comte En Ramon de Barcelone était comte d’Urgell N’Armengol appelé de Gerp, lequel avait pris aux Maures la cité de Balaguer et ainsi à cette époque certains hérétiques s’étaient soulevés dans son comté et évêché d’Urgell dans la vallée d’Andorre. [Ces hérétiques] s’étaient installés dans certaines forteresses de la dite terre, et particulièrement dans le château de Montleó, qui est appelé aujourd’hui Castellbó. Le dit comte avec l’évêque d’Urgell prirent tous les hérétiques dans les forteresses susdites, et se trouvait en leur compagnie ce chevalier dont nous avons parlé dans l’histoire du comte de Cerdagne appelé Arnaut de Peyrepertuse. Lequel pris le château susdit de Montleó. Et il fit retourner tous ces gens bons chrétiens, et il rebaptisa [le château] Castellbó, et à partir de ce moment se fit appeler Arnau de Castellbó. Et le comte d’Urgell susdit le fit noble homme, et de lui est issue la maison de Castellbó. Ce comte n’Ermengol d’Urgell tint son comté 19 années et mourut en l’an 1082.

Il reste peu de chose du château de Castelbon / Castellbó siège des vicomtes d'Urgell. (Sources : Wikimédia).

Il reste peu de chose du château de Castelbon / Castellbó résidence des vicomtes d’Urgell. (Sources : Wikimédia).

     Si l’on suit cette chronique, à la fin du XIe siècle, la région au contact du comté de Cerdagne, de l’Andorre et du comté d’Urgell autour du château de Castellbó (ou Castelbon) était tenue par des hérétiques « ariens ». Une expédition militaire menée par les comtes de Cerdagne et d’Urgell, avec l’aide de l’évêque d’Urgell reprend ces châteaux et les confie à plusieurs chevaliers ayant participé à l’expédition. Ces faits, tels qu’ils sont présentés, appellent de nombreuses questions et notamment : quelle fiabilité peut-on leur accorder ? Quelles sont les sources de l’auteur ? Quelle date attribuer à ces faits ? Qui sont ces hérétiques ? Le but de cet article est de tenter une première réponse à ces questions et de susciter une poursuite des recherches.

Couverture de l'édition de 1495 des Histories e conquestes dels Reys de Arago e Comtes de Barcelona, orné de la bandera catalane.

Couverture de l’édition de 1495 des Histories e conquestes dels Reys de Arago e Comtes de Barcelona, ornée des armes des rois d’Aragon qui illustrent le caractère nationaliste de l’ouvrage.

Les històries e conquestes dels reys de Aragó e comtes de Barcelona de Pere Tomic [3]

     Pere Tomic (ou Tomich) se présente comme un chevalier au service du baron Bernat Galceran de Pinós, vicomte d’Ille et de Canet[4]. Il dédie ses Histoires au beau-frère de ce baron, Dalmau de Mur y Cervelló, archevêque de Saragosse[5]. Cet archevêque était en effet un des plus grands mécènes de la péninsule ibérique et s’intéressait aux arts autant qu’à l’histoire. Dans la dédicace, Tomic précise avoir achevé son œuvre en novembre 1438, dans la ville de Bagà. Cette ville du Berguedà était le siège de la baronnie de Pinós depuis le XIIIe siècle. Après la mort de ses protecteurs, Tomic ou un successeur anonyme poursuit son Histoire jusqu’en 1479. Le manuscrit est ensuite imprimé pour la première fois en 1495 à Barcelone.

     L’œuvre de Tomic est divisée en quarante-huit chapitres qui se suivent chronologiquement, racontant l’histoire de la Catalogne de la création du Monde jusqu’à la mort du roi Jean II d’Aragon, le 19 janvier 1479. Les premiers chapitres consacrés à l’Antiquité et au haut Moyen Âge tiennent surtout du légendaire. Ensuite, conformément aux habitudes des chroniqueurs et historiens de l’époque, chaque chapitre correspond à un règne. Car comme le titre l’indique, cette histoire est centrée sur les grands faits et gestes des comtes de Barcelone et rois d’Aragon. Mais Tomic s’intéresse aussi aux familles nobles catalanes, et particulièrement à la famille de Pinós et les familles apparentées. Il décrit donc surtout les évènements politiques comme les batailles de la Reconquista, en donnant systématiquement la liste des barons catalans associés à ces évènements. Il donne aussi les généalogies des comtes catalans et quelques uns de leurs barons.

Gesta Comitum Barchinonensium qui relate le début de la légende de Guifred le Velu (Source : Wikimédia)

Page des Gesta Comitum Barchinonensium qui relate le début de la légende de Guifred le Velu (Source : Wikimédia)

     L’ensemble de l’œuvre est très nationaliste. Elle rapporte de nombreux mythes fondateurs de la Catalogne, présentés comme des évènements historiques. Les Catalans sont systématiquement mis en valeur dans tous les évènements, les non catalans rarement nommés. Pour l’écrire Tomic a fait appel, comme il le précise lui-même, à des sources orales et écrites. Il s’est servi de traditions orales qu’il est parfois le premier à mettre par écrit, et de diverses chroniques et romans qu’il qualifie d’anciennes histoires. Bien qu’il nomme très rarement ses sources on peut en identifier plusieurs. Pour illustrer la conquête carolingienne il s’est notamment servi du Roman de Notre Dame de Lagrasse, une fausse chronique rédigée au XIIe ou au XIIIe siècle, attribuée à un moine de l’entourage de Charlemagne nommé Philomena[6]. Il a aussi utilisé les Gesta comitum Barcinonensium, une chronique rédigée par les moines de Ripoll entre la fin du XIIe siècle et le début du XIVe siècle et qui fait elle aussi une large place au légendaire[7]. Le règne de Pierre III d’Aragon est tiré du Llibre del rei En Pere de Desclot et la Chronique de Ramon Montaner[8]. Il a peut-être utilisé des chartes pour préciser les listes de protagonistes. Mais toutes ces sources sont utilisées sans esprit critique et avec beaucoup de confusions. Il y a par exemple un grand nombre d’erreurs de chronologies. Il attribue par exemple au seul Ermengol IV, comte d’Urgell de 1056 à 1092, la conquête sur les musulmans de la région de Balaguer. Alors que cette conquête est en réalité l’œuvre de cinq comtes sur près d’un siècle[9]. Il y a aussi des confusions sur les personnes. Tomic confond le comte de Provence Alphonse II et son fils Raimond Bérenguer IV, ce qui l’amène à attribuer à Pierre II d’Aragon le mariage des trois héritières du comte de Provence. Il confond aussi le vicomte de Carcassonne Raimond Trencavel avec Simon de Montfort qui l’a remplacé.

     Dans ces conditions, les données apportées par Tomic sont à manipuler avec précaution. Il ne faut cependant pas rejeter en bloc ce que dit Tomic, car certaines informations peuvent parfois être recoupées par d’autres sources. On peut citer à cet égard son récit de l’expédition menée contre le comte de Toulouse et le siège de la ville de Toulouse par Alfons, comte de Barcelone et roi d’Aragon en 1175. La réalité de cette expédition, uniquement mentionné par Tomic et les Gesta comitum Barcinonensium a été longtemps mis en doute. Mais A. Altisent a prouvé son existence par des sources comptables et diplomatiques.[10] De plus, Tomic donne une liste de participants à ce siège dont la présence effective de l’un d’eux, Raimond de Termes, semble confirmée par une autre source narrative.[11]

Serment de fidélité prêté au comte de Cerdagne ou au comte de Barcelone. Liber feudorum maior, fin du XIIe siècle.

Serment de fidélité prêté au comte de Cerdagne ou au comte de Barcelone. Liber feudorum maior, fin du XIIe siècle.

     Les sources des deux passages qui nous occupent sont sans doute de deux types. Des sources narratives non identifiées pour la relation de l’expédition contre les hérétiques. Et sans doute des chartes de donation ou des serments de fidélité pour les mentions de donations de château. Chartes que nous n’avons pas non plus identifiées[12]. Il est à noter que la grande majorité des serments de fidélité catalans et occitans du XIe siècle ne sont pas datés, ce qui a été souvent une source d’erreurs chronologiques jusqu’à nos jours pour les historiens.[13] De plus, à cette époque, les noms de famille n’étant pas encore fixés, les personnes sont souvent appelées simplement par leur prénom suivi éventuellement d’une indication de filiation, plus rarement du nom de leur terre. Il n’est donc pas toujours évident d’identifier les familles. Tomic n’a certainement pas été à l’abri de ce type d’erreurs de chronologie ou d’identification.

La datation et les acteurs de l’évènement

     Les deux extraits ne donnent pas de date pour ces évènements si ce n’est la période d’exercice de quatre comtes. Le premier extrait est tiré du chapitre sur le comte Ramon Berenguer II de Barcelone (1076-1082) dit Cap d’Estope et sous le comte Guillem Ramon de Cerdagne (1068-1095). Le second extrait est tiré du chapitre sur le comte Ramon Berenguer III qui n’a pas un an en 1082 lorsque que son père Ramon Berenguer II est assassiné, et ne règne personnellement qu’entre 1097 et 1131 ; et sous le comte d’Urgell Ermengol IV, dit de Gerp (1056-1092). Mais Tomic ou ses informateurs ont pu confondre plusieurs générations de comtes de Barcelone ou d’Urgell qui portent le même prénom de père en fils. L’indication la plus fiable semble être la période d’exercice de Guillem Ramon de Cerdagne, soit entre 1068 et 1095. Si l’on retient pour fiable les mentions des comtes de Barcelone et du comte d’Urgell, l’intervalle se resserre à la période 1076-1092.

     On ne peut pas tirer d’indications chronologiques fiables des chevaliers cités dans les deux extraits, ni même les identifier tous avec certitude. Deux chevaliers au moins sont des ancêtres directs du protecteur de Tomic et c’est sans doute pour cette raison qu’ils sont mentionnés à cette occasion. Galceran de Pinós semble correspondre au premier seigneur de cette famille à porter ce nom. Fils de Miró Riculf qui prête serment en 1068 au comte de Cerdagne pour château de Pinós, Galceran I de Pinós décède après 1117. Mais jusqu’à Bernat Galceran IV de Pinós et de Mataplana, le protecteur de Tomic, on rencontre un seigneur de ce nom à presque toutes les générations de cette famille[14]. Huc de Mataplana, appartient à une famille qui tire son nom d’un château situé à Gombrèn dans le Ripollès, et dont le protecteur de Tomic a hérité du nom et des terres. Plusieurs seigneurs portent ce nom. Chronologiquement, le chevalier de ce nom qui, en 1086, reçoit diverses concessions du comte de Cerdagne, pourrait correspondre[15].

     Les autres chevaliers ne peuvent être identifiés avec certitude. Pere d’Aragall appartient à une famille vassale des vicomtes de Castellbó. En 1298 un chevalier du même nom reconnaît tenir en fief de Roger Bernat de Foix, vicomte de Castellbó, les châteaux d’Ansovell (sans doute l’Ensonel de Tomic), Queralt et Arànser, dans le Baridà.[16] D’autres membres de cette famille sont attestés dans l’Alt Urgell au XIVe siècle. Un certain Bernat d’Aragall est chanoine d’Urgell en 1319[17]. La dernière représentante de cette famille, Blanca d’Aragall, épouse au XIVe siècle Bernat de So, vicomte d’Evol, en lui apportant les châteaux de Mirallès, Queralt, Ansovell et Arànser[18].

Vue générale du château de Lordat dans la haute vallée de l'Ariège

Vue générale du château de Lordat dans la haute vallée de l’Ariège

     Pere de Lordat appartient peut-être à la famille du même nom, qui tire son nom d’un château situé dans la haute vallée de l’Ariège. Dans la seconde moitié du XIe siècle ce château est dans la mouvance du comte de Cerdagne qui reçoit à trois reprises des serments de fidélité pour ce fief, dont celui d’Arnaut Guilhem de Lordat. En revanche, la généalogie de cette famille telle que l’ont restituée plusieurs érudits ne comporte aucun Pierre ou Pere[19]. L’implantation de la famille de Lordat dans le comté d’Urgell est attestée de manière plus tardive. Un certain Guillem Bernat de Lordat est chanoine d’Urgell en 1319[20] ; Arnau de Lordat est évêque d’Urgell de 1327 à 1341[21].

     Arnaut de Peyrepertuse porte le nom d’une famille attestée dès le début du XIe siècle comme seigneurs du château du même nom, situé dans les Corbières au sud de l’Aude[22]. À cette époque, les seigneurs de Peyrepertuse, comme leurs voisins de Fenouillet, sont vassaux des comtes de Besalú, parents des comtes de Cerdagne. Le prénom Arnaut existe dans la famille puisqu’on relève dans la généalogie un Arnaut, décédé en 1175. Mais il est plus courant dans la famille apparentée de Fenouillet où figure un Arnaut Guillem, décédé vers 1095. On rencontre aussi un certain Bernat Béranger de Peyrepertuse dans l’entourage du comte de Cerdagne en 1114[23]. Plus tardivement, en 1401, un contemporain de Tomic, Amiel de Peyrepertuse est châtelain de Bellver en Cerdagne avec la sous-viguerie du Baridà[24]. La présence de chevaliers occitans aux côtés de comtes catalans n’a rien d’exceptionnel. On rencontre par exemple des membres de la famille de Termes, voisine des Peyrepertuse, dans l’entourage des comtes d’Urgell ou des comtes de Cerdagne dans la seconde moitié du XIe et au XIIe siècle[25]. Beaucoup de ces chevaliers viennent chercher gloire et fortune en participant aux opérations de la Reconquista en recevant, en échange de leur service, des soldes généreuses financées par les « parias » (tributs) imposés aux musulmans, des parts de butin ou des concessions de terres[26]. L’exemple le plus spectaculaire est celui de Pons, un rejeton de la famille vicomtale de Minerve né au début du XIIe siècle. Pons de Minerve fait une belle carrière au service des rois de Castille et de Léon : porte étendard de l’empereur Alfonso VII, gouverneur de la ville de Léon, majordome royal, comte, seigneur de Sandoval, il devient l’un des plus riches barons de la péninsule ibérique[27].

Blason des Castelbon peint sur une poutre de la fin du XIIIe siècle. D'après Gascón Chopo, R. Lobo i Sastre Càtars al pirineu català.

Blason des Castelbon peint sur une poutre de la fin du XIIIe siècle.
D’après Gascón Chopo, R. Lobo i Sastre Càtars al pirineu català.

     La liste des chevaliers donnée par Tomic ne comprend donc rien d’incompatible avec ce que l’on sait des familles aristocratiques de l’entourage des comtes de Cerdagne et Urgell à la fin du XIe siècle. En revanche, on ne peut retenir l’affirmation qu’Arnaut de Peyrepertuse serait à l’origine de la famille de Castellbó. J. Miret i Sans a montré que cette famille descend des vicomtes d’Urgell, connus dès le milieu du Xe siècle. Après avoir rebaptisé leur château de Castell Leó (le Montleó de Tomic) (en français « château de Léon » ou «château du lion »), en Castell bó (en français « château bon »), les membres de cette famille prennent le nom de Castellbó dans le premier quart du XIIe siècle[28]. Si la donation de Castellbó à Arnaut de Peyrepertuse a bien existée, elle n’a pu qu’être temporaire. Mais on peut se demander si Tomic ou ses informateurs n’ont pas confondu Arnaut de Peyrepertuse avec Arnau, vicomte de Castellbó de 1185 à † 1226. La confusion a pu être favorisée par l’usage d’un blason presque identique, en usage dans les deux familles au XIIIe siècle[29].

Les hérétiques

     Socialement ces hérétiques appartiennent au moins en partie à l’aristocratie car ils tiennent des châteaux. Rien n’indique que ce sont des étrangers, contrairement à ce qu’affirme Monfar y Sors au XVIIe siècle, qui voit en ces hérétiques des étrangers venus par les vallées d’Aran et d’Andorre[30]. Car ce dernier ne semble pas supporter l’idée que des Catalans aient pu être hérétiques qu’il qualifie avec une sainte horreur de canailles. Mais l’indication la plus intéressante est le nom d’« arien » qui leur est donné. Il ne s’agit évidemment pas de disciples de l’hérésie professée au IVe siècle par Arius. Cette hérésie, on le sait, avait été adoptée notamment par les Wisigoths qui avaient dominé le Languedoc et l’Espagne entre le Ve et le début du VIIIe siècle. Mais après la conversion au catholicisme de l’un de leurs rois, Recarède, en 589, cette hérésie avait disparu.

     Raoul Manselli, le frère Yves Marie-Joseph Congar et Jean Duvernoy ont bien montré que le mot « arien » reparaît dès le début du XIe siècle pour désigner des hérétiques[31]. Soit le mot est resté dans la langue comme synonyme d’hérétique. Soit, plus probablement, les clercs du bas Moyen Âge ont ressorti ce mot d’écrits anciens comme ceux de Grégoire de Tours ou d’Isidore de Séville. Ce dernier, considéré comme un des docteurs de l’Église, est l’auteur de la conversion de Récarède[32]. Tomic associe implicitement les hérétiques dont il parle aux ariens du haut Moyen Âge car il a déjà parlé des ariens dans les chapitres consacrés aux rois wisigoths. Toujours est-il que le terme d’« arien » est attesté pour désigner des hérétiques dès le début XIe siècle en Aquitaine (dans une charte de Guillaume V d’Aquitaine provenant des archives de Saint-Hilaire de Poitiers de 1016 et dans un sermon d’Adémar de Chabannes intitulé De nativitate Beatae Mariae Virginis[33]), puis au XIIe et au début du XIIIe siècle en Languedoc. Geoffroy d’Auxerre, lors de son passage à Toulouse avec saint Bernard, désigne par les mots « ariens » ou « tisserands » les membres d’une secte implantée dans la ville. Guillaume de Puylaurens, qui écrit à la fin du XIIIe siècle, se souvient que dans sa jeunesse on appelait l’Arien, un chanoine de Toulouse nommé Bernat Raimond. C’était un clerc cathare, capturé à Lavaur en 1181 et qui avait abjuré. Le mot est encore utilisé au début du XIIIe siècle pour désigner les cathares de Castelnaudary[34].

Sceau de Roger IV, comte de Foix et vicomte de Castelbon, 1241. (Moulage : Archives nationales, Service des sceaux D664). A côté des armes de Foix qui figurent sur l'écu du cavalier et la housse du cheval le comte a fait représenter à droite, sur un écu, les armes des Castelbon.

Sceau de Roger IV, comte de Foix et vicomte de Castelbon, 1241.
(Moulage : Archives nationales, Service des sceaux D664).
A côté des armes de Foix qui figurent sur l’écu du cavalier et la housse du cheval le comte a fait représenter à droite, sur un écu, les armes des Castelbon dont il a hérité de sa mère Ermessenda.

     Plusieurs foyers de l’hérésie cathare étant attestés autour d’Urgell au début du XIIIe siècle, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre ces « ariens » de la fin du XIe siècle et les cathares attestés au même endroit peu plus d’un siècle plus tard.[35] Castellbó, Berga, et à un moindre degré Josa del Cadi apparaissent alors comme de véritables foyers du catharisme dans la 1ère moitié du XIIIe siècle. Des hérétiques sont également signalés en Andorre et en Cerdagne. Ces foyers ont pu se développer à grâce à la protection que leur ont accordée certains seigneurs et en tout premier lieu les vicomtes de Castellbó. Car ceux-ci ont adhéré en famille à l’hérésie. Le vicomte Arnau de Castellbó et sa fille Ermessenda, épouse du comte Roger Bernat II de Foix sont, en 1269, condamnés à titre posthume par l’évêque d’Urgell pour ce motif. Même si cette condamnation est motivée par des raisons politiques – les évêques d’Urgell cherchant à se défendre des comtes de Foix, héritiers des Castellbó – les dépositions devant l’Inquisition semblent bien montrer la réalité de l’adhésion à l’hérésie des condamnés. De plus, l’anticléricalisme des Castellbó et de Foix est bien connu. À trois reprises, en 1196 ou 1198, 1202 et 1205, Raimond Roger de Foix et Arnau de Castellbó mènent des expéditions en Cerdagne et Urgell. De nombreuses églises sont pillées, des profanations des saintes espèces et de crucifix ont lieu sous le regard du vicomte. Mathias Delcor a montré que ces profanations sont à mettre en relation avec le rejet, par les cathares, de l’Eucharistie et de la croix. Le comte et le vicomte sont repoussés à chaque fois par le roi d’Aragon en tant que comte de Cerdagne, ainsi que le comte et l’évêque d’Urgell qui avaient signé en 1190 un pacte d’alliance contre Arnau de Castellbó. Mais ces expéditions valent aux deux comparses une solide réputation d’hérétique.[36] Le fils de Raimond Roger, Roger Bernat, épouse Ermessenda, fille et héritière d’Arnau de Castellbó. Le nouveau comte de Foix reprend la politique paternelle puisqu’entre 1236 et 1239, il met à sac la Seo d’Urgell. On le voit, le contentieux était lourd entre l’évêque d’Urgell d’une part, les Castellbó et les Foix d’autre part. On peut là encore faire un rapprochement avec le récit de Tomic. Le contentieux entre les vicomtes et l’évêque était peut-être plus ancien. Dans ce cas, l’expédition menée à la fin du XIe siècle contre les hérétiques est peut-être un épisode du conflit récurrent entre les évêques d’Urgell et l’aristocratie locale. Une autre hypothèse est de considérer que le récit de Tomic se rapporte, non à une expédition du XIe siècle, mais à une contre-attaque menée par l’évêque et le comte d’Urgell contre Foix et Castellbó entre 1198 et 1239.

Hypothèses d’interprétation et perspectives historiques

     En résumé, on peut faire deux interprétations du récit de Tomic. Soit les faits qu’il décrit sont un souvenir confus de l’hérésie attestée au XIIIe siècle. Soit les faits sont authentiques.

     Dans la première hypothèse, on peut se demander si le fait de donner au XVe siècle aux Castellbó le rôle d’auxiliaire armé de l’Église, alors que ceux-ci sont en réalité dénoncés au XIIIe siècle comme hérétiques et spoliateurs de l’Église, n’est pas destiné à redorer le blason de leurs descendants, les comtes de Foix.

     La seconde hypothèse est très riche de perspectives. Les faits rapportés par Tomic seraient alors antérieurs d’un siècle à la première attestation de l’hérésie dans les Pyrénées catalanes, et d’un demi-siècle à la première attestation d’hérétiques « ariens » en Languedoc et dans la région de Toulouse. Il convient de rapprocher la mention de Tomic des apparitions de groupes hérétiques en Occident autour de l’an mil et particulièrement de certaines sources les concernant évoquant aussi des « ariens » dans le contexte aquitain[37]. Si on ne peut pas attester d’une filiation entre les « ariens » de la région d’Urgell du XIe siècle et les cathares de la même région au XIIIe siècle, on peut au moins dire que cette région a accueilli favorablement des mouvements hérétiques ou que ses populations se sont familiarisées avec des croyances hérétiques. Autrement dit, il y a bien une tradition de l’hérésie dans cette région.

     De quoi peut-être aussi relancer le débat sur les origines et la diffusion du catharisme méridional. En 2005, l’historienne britannique Claire Taylor, dans son livre sur la présence de l’hérésie dualiste en Aquitaine et en Agenais depuis l’an mil jusqu’en 1249, s’interrogeant sur les débuts de la progression de l’hérésie dualiste dans le Midi de la France, faisait déjà état de la présence d’ « ariens » dans le comté d’Urgell dans les années 1080 d’après l’ouvrage de Montfar y Sors tout en reconnaissant ne pas connaître la source de cet historien du XVIIe siècle[38]. Claire Taylor pense que les croyances bogomiles ont commencé à se répandre en Europe occidentale au tournant de la fin du XIe siècle dans le sillage des contacts entre Orient et Occident au cours de la première croisade. Elle ne semble cependant pas considérer que les « ariens » mentionnés dans le comté d’Urgell aient pu correspondre à des adeptes de ces nouvelles idées importés d’Orient à l’origine, selon elle, du catharisme méridional.

     A défaut de voir dans ces « ariens » des cathares ou des « proto-cathares », il ressort du texte de Tomic que les Pyrénées forment, à l’instar d’autres régions comme l’Aquitaine ou le Toulousain, un terreau favorable à l’essor de croyances dissidentes.

     Ces faits viendraient aussi en confirmation d’une interprétation de la Charte de Niquinta. Rappelons que cette charte fait le récit d’un rassemblement tenu en 1167 auxquels participèrent six évêques cathares, dont un certain episcopus ecclesie Aranensis (évêque de l’église aranaise). L’Église cathare d’Aran étant inconnue par ailleurs, certains ont proposé de corriger « Aranensis » en « Agenensis », l’Église cathare d’Agen étant connue par des sources postérieures.[39] Or les possessions des Castellbó sont frontalières du Val d’Aran. L’ancienneté des mouvements hérétiques dans les Pyrénées catalanes serait un argument en faveur de la réalité de cette église aranaise.

     Quelque soit l’hypothèse retenue, le récit de Tomic est pour le moins une nouvelle attestation de l’emploi du mot « arien » pour désigner des hérétiques méridionaux du bas Moyen Âge. Souhaitons que la découverte d’autres sources permette de trancher entre ces deux hypothèses.


[1] P. Tomich, Les històries e conquestes dels reys de Aragó e comtes de Barcelona compilades per lo honorable mossèn… cavaller, Barcelona : Rosembach, 1495. Plusieurs rééditions postérieures. Un fac-similé de la première édition est en ligne sur la Biblioteca virtual Miguel de Cervantes à l’adresse www.cervantesvirtual.com.
[2] Le seul historien qui, à ma connaissance, ait utilisé le passage de Tomic sur ces hérétiques est Diego de Monfar y Sors. Cet archiviste de la couronne d’Aragon rédige entre 1641 et 1652 une histoire des comtes d’Urgell publiée au XIXe siècle : Historia de los condes de Urgel, Barcelona : el establecimiento litográfico y tipográfico de J. E. Montfort, 1853, 2 vol. (Fac-similé en ligne sur http://books.google.fr/). Le passage suivant, extrait des pages 554 et 555 semble directement inspiré par Tomic : « Entonces entraron en el condado de Urgel y por los valles de Aran y Andorra algunas gentes estranjeras, inficionadas de la herejía araiana, que aun duraba en el mundo : recogiéronse en un castillo que llamaban Monleó, y allí se hicieron fuertes par enseñar su perversa y mala doctrina. El conde y toda su tierra se alborotó notablamente, y sin dar luga á que derrasamasen su ponzeña, fueron al castillo y le dieron combate, y sacaron los herejes ; y toda Cataluña habia ya tomado las armas contra de ellos. Señalóse notablemente un caballero llamado Arnaldo de Perapertusa : este, por órden de Armengol, y con gente suya, trabajó con tantas veras en la expulsion de esta canalla, que mereció que el conde le diese este castillo, con que le tuviese por él y sus sucesores, y que, requerido, le hubisesen de dar las tenencias. Entonces mudaron el nombre al castillo y le llamaron Castellbó, y los descendientes de este caballero tomaron este apellido, y duró este linaje muchos años en Cataluña. »
[3] Sur les sources de Tomic, voir M. Riu, « Les fonts de les “històries” de Pere Tomic », l’Avenç, n° 165, 1992, p. 28-31 ; J. Iborra, « De la crònica dinàstica a la intervenció aristocràtica. Fonts orals i escrites de les Histories e conquestes de Pere Tomic », Recerques, 40, 2000, pp. 15-39.
[4] Bernat Galceran II de Pinós et de Fenollet, baron de Pinós, Mataplana… vicomte d’Ille et Canet depuis 1423, † 1443, époux de Aldonça de Mur et de Cervelló.
[5] Archevêque de 1431 à † 1456.
[6] É.-J. Simmonet, Édition critique du roman de Notre Dame de Lagrasse, thèse de 3e cycle de lettres sous la direction de Madame Thiolier, Université de Paris IV – Sorbonne, 1988. Version en ligne (sans les notes, les cartes, la bibliographie) <http://emile.simonnet.free.fr/>.
[7] Gesta comitum Barcinonensium, Ed. L. Barrau Dihigo, J. Masso Torrents : Cròniques Catalanes, II, Barcelona, 1952.
[8] F. Soldevila, Les quatre grans cròniques : Jaume I, Bernat Desclot, Ramon Montaner, Pere III, revisió del text, pròlego i notes per Ferran Soldevila, Barcelona : editorial selecta, 1971, 126-1298 p.
[9] Prise de Guissona en 1028 par Ermengol II. Prise de Balaguer par Ermengol VI en 1106.
[10]. Tomic, chapitre XXXVI. Sur l’expédition de Toulouse voir A. Altisent, « A propos de l’expédition d’Alphonse le Chaste à Toulouse en 1175 », Annales du Midi, 1967, p. 429-436. Ce dernier ignore Tomic comme source sur cette expédition.
[11] Pierre des Vaux-de-Cernay, qui fait le récit de la croisade albigeoise au début du XIIIe siècle affirme à propos de Raimond de Termes, seigneur du château du même nom assiégé en 1210, que Raimond « avait une telle confiance dans son château qu’il combattait tantôt le comte de Toulouse, tantôt son propre suzerain [le vicomte de Carcassonne]. » Bien sûr l’expédition de 1175 n’est pas la seule occasion où ce seigneur de Termes ait pu combattre le comte de Toulouse mais l’affirmation de P. des Vaux de Cernay appuie le caractère vraisemblable de la mention de Tomic. P. Vaux-de-Cernay, Historia albigensis, § 172.
[12] La consultation du Liber feudorum maior, cartulaire royal de la fin du XIIe siècle qui comprend un grand nombre de serments et convenentiae des comtes de Cerdagne n’a rien donné. Liber feudorum maior, éd. F. Miquel Rossell, Barcelona, 1945. Il faudrait consulter les Archives de la Couronne d’Aragon à Barcelone pour retrouver trace des donations des comtes de Cerdagne cités par Tomic. Pour ce qui est des comtes d’Urgell, nous ignorons l’état de conservation et la localisation de leurs archives.
[13] Sur les serments voir H. Débax, La féodalité languedocienne. XIe-XIIe siècles. Serments, hommages et fiefs dans le Languedoc des Trencavel, Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 2003, 408 p.
[14] Sur les Pinós, voir la généalogie publiée par A. de Fluvià i Escora dans la Gran enciclopèdia catalana.
[15] Sur les Mataplana, voir la généalogie publiée par A. de Fluvià i Escora dans la Gran enciclopèdia catalana, le volume X, « Ripollès», de Catalunya romànica, 1987 ; les actes publiés par F. Miquel Rossell dans le Liber Feodorum Maiorum, tome II.
[16] Le premier de ces châteaux se trouve dans la commune de Cava. Le second, Queralt, pourrait correspondre au Quer d’Aragall de Tomic. Voir le volume VII « la Cerdanya, el Conflent », de Catalunya romànica, publié en 1995, p. 40. Nous n’avons pas pu voir à temps pour cet article le volume VI, « Alt Urgell, Andorra », de Catalunya romànica, publié en 1992, où ces châteaux et la famille d’Aragall sont certainement étudiés.
[17] Arxiu Històric de la Biblioteca de Catalunya, Barcelona, perg. I. Le même figure aussi sur un acte de 1323 : Archivo Histórico Nacional, Madrid, Clero, Valldaura, c.164, n. 20. Perg. 337/285.
[18] Archives départementales des Pyrénées-Orientales, B 367 et 145, d’après A. de Pous, « Tours et châteaux du Conflent », Conflent, 1981, p. 19.
[19] Sur la famille de Lordat, voir F. Uhlrich, « Une famille du Sabarthès : Les Lordat du XIIe au XIVe siècle », Heresis, n° 44-45, année 2006, p. 119-134.
[20] Arxiu Històric de la Biblioteca de Catalunya, Barcelona, perg. I.
[21] C. Baraut, J. Castells, B. Marquès, E. Moliné, Episcopologi de l’Església d’Urgell, La Seu d’Urgell, 2002.
[22] Sur les Peyrepertuse voir R. Quehen, La seigneurie de Peyrepertuse, Montesquieu-Volvestre : René Quehen, 1975, 208 p. ; L. Bayrou (dir.), Peyrepertuse, forteresse royale, CAML ; Catalunya romànica, vol. XXV, 1996 ; F. Poudou, G. Langlois (dir.), Opération Vilatges al País, Canton de Tuchan et communauté de commune des Hautes-Corbières, Narbonne : Fédération Léo Lagrange, 2003.
[23] Sur Béranger de Peyrepertuse, voir E. Magnou-Nortier, A.-M. Magnou, Recueil des actes de l’abbaye de La Grasse, tome 1, CTHS 1996, acte 194, p. 255-257.
[24] P. Vidal, « Expéditions des marins et des marchands roussillonnais sur les côtes de la Syrie et de l’Égypte pendant le Moyen Âge », Bulletin de la Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, vol. 41, 1900, p. 237.
[25] Sur la famille de Termes, voir la seconde édition à paraître de notre livre Olivier de Termes, le cathare et le croisé. On relève par exemple la présence d’un certain Olivier de Termes parmi les participants à la conquête de Lleida, menée par le comte Berenguer IV de Barcelone et le comte Ermengol VI d’Urgell en 1149. Tomic, chapitre XXXV. Ce dernier lui attribue l’année suivante une maison dans la ville de Lleida. J. Lladonosa i Pujol, Història de Lleida, I, 1972, p. 134. De manière plus générale sur l’entourage des comtes de Cerdagne voir J. Kérambloch, Les comtes de Cerdagne et leurs vassaux au XIe siècle (Pouvoir et patrimoine), mémoire de maîtrise d’histoire médiévale sous la direction de P. Bonnassie, Université de Toulouse-II-le-Mirail, 1996, 128 p.
[26]. Voir C. Laliena Corbera, « Larga stipendia et optima praedia : les nobles francos en Aragon au service d’Alphonse le Batailleur », Annales du Midi, 2000, p. 149-169.
[27]. …1140- † 1175 Sandoval. Voir S. Barton, « Two Catalan magnates in the courts of the kings of León-Castile : the careers of Ponce de Cabrera and Ponce de Minerva re-examined », Journal of Medieval History, 18, 1992, p. 263-266.
[28] J. Miret i Sans, Investigación histórica sobre el vizcondado de Castellbó con datos inéditos de los condes de Urgel y los vizcondes de Ager, Barcelona, 1900.
[29] Les deux familles portent un blason au chef fuselé qui figure par exemple sur le contre-sceau de Roger IV de Foix et de Castelbon daté de 1241, et sur celui de Guilhem de Peyrepertuse daté de 1240. Sceau de Roger de Foix et de Castelbon (1241-1265), Arch. de France, Service des Sceaux, D 663 ; sceau de Guilhem de Peyrepertuse : Arch. de France, Service des Sceaux, D 3210. Description et photo dans : René Quehen, La seigneurie de Peyrepertuse, 1975, p. 78, 111-117. Les émaux de ces blasons sont presque les mêmes : Castellbó : « d’or au chef de sable chargé de trois losanges d’or ». Voir la reproduction d’un blason du XIIIe siècle dans C. Gascón Chopo, R. Lobo i Sastre, Càtars al pirineu català, Lleida : Pagès editors, 2003, p. 70. Perapertusa : « d’or au chef cousu de même chargé de trois losanges de sable », donné par plusieurs armoriaux modernes, voir A. Cazes, « Armorial catalan », Terra nostra, n° 6.
[30] Voir note 2.
[31] R. Manselli, Una designazione dell’eresia catara : « Arriana heresis », Bolletino dell’Istituto Storico Italiano per Medio Evo e Archivio Muratoriano, n°68, 1956, pp. 233-246 (repris dans R. Manselli, Studi sulle eresie del secolo XII, Roma, 1975, p. 237-246).
[32] S. Isidore, Étymologies, VIII, c. 5.
[33] Voir P. Bonnassie, R. Landes, « Une nouvelle hérésie est née en ce monde », Les sociétés méridionales autour de l’an mil, CNRS éditions, 1992, p. 435-459 (la charte de Guillaume V d’Aquitaine évoquant l’« hérésie arienne » est publiée p. 449-451), voir également M. Frassetto, « The sermons of Adhémar of Chabannes and the letter of Héribert : new early eleventh century », Revue Bénédictine, CIX (1999), p. 342-340 et Cl. Taylor, Heresy in medieval France. Dualisme in Aquitaine and the Agenais, 1000-1249, The Boyedell Press, p. 105-107. Merci à Charles Peytavie qui m’a indiqué ces références et m’a fait part de ses remarques sur les « ariens ».
[34] Sur les ariens de Toulouse, voir J. Duvernoy, La Religion des cathares, Toulouse : Privat, 1976, p. 301-302. M. Roquebert, L’Épopée cathare, tome I, Toulouse : Privat, 1970, p. 57-58.
[35] Sur le catharisme en Catalogne, voir : J. Ventura i Subirats, Els heretges catalans, Barcelona : Editorial Selecta, 1963, 248 p. M. Delcor, « La société cathare en Cerdagne : nobles et bergers du XIIe au XIVe siècle », Bulletin de littérature ecclésiastique, 80, 1979, p. 257-304. C. Baraut, « Presencià i repressió del catarisme al bisbat d’Urgell (segles XII-XIII) », Urgellia, tome XII, 1994-1995, p. 487-524. C. Gacón Chopo, « Crisis social, espiritualidad y herejía en la diócesis de Urgel (siglos XII-XIII). Los orígenes y la difusión de la herejía cátara en la antigua diócesis de Urgel », Espacio, tiempo y forma, serie III, Historia medieval, n° 16, 2003, pp. 73-106. Nous n’avons pas pu lire à temps cette dernière référence pour la rédaction de notre article.
[36] Ces faits sont relatés dans un mémoire du milieu du XIIIe siècle conservé aux Archives capitulaires d’Urgell, publié et commenté par C. Baudon de Mony, Les relations politiques des comtes de Foix avec la Catalogne jusqu’au début du XIVe siècle, Paris : Picard, 1896. Une édition plus récente en a été faite par C. Baraut dans Urgellia, 11 (1992-1993), p. 290-298. Le pacte d’alliance de 1190 est cité par M. de Riquer, « Guillem de Bergueda », Scriptorium Populeti, n° 6, Abadia de Poblet, 1971, vol. I, p. 134.
[37] Voir note 33.
[38] Claire Taylor, Op. cit. note 33, p. 134-135.
[39] Les études sur la Charte de Niquinta étant fort nombreuses, nous renvoyons à la plus récente où l’on trouvera une bibliographie développée : D. Zbíral, « La Charte de Niquinta et les récits sur les commencements des églises cathares en Italie et dans le Midi », Heresis, n° 44-45, année 2006, p. 135-162.

Résumés :

Langlois (Gauthier), Des hérétiques dans les Pyrénées catalanes à la fin du XIe siècle ?

     L’historien catalan Tomic qui écrit au XVe siècle, mentionne une expédition menée par le comte de Cerdagne, le comte et l’évêque d’Urgel contre des hérétiques « ariens » de leurs terres à la fin du XIe siècle. L’étude critique du récit conclut à la vraisemblance des faits mais propose deux hypothèses de datation. Soit les faits sont bien datables du XIe siècle. La mention d’ « ariens » est alors à rapprocher de mentions similaires en Aquitaine au début du XIe siècle et en Languedoc au XIIe siècle. Il y aurait alors dans les Pyrénées catalanes une tradition de l’hérésie qui aurait favorisé le développement du catharisme dans cette région au XIIIe siècle. Soit les faits rapportés sont un souvenir confus des conflits survenus entre la fin du XIIe et le milieu du XIIIe siècle entre les vicomtes cathares de Castelbon, d’une part, les comtes et l’évêque d’autre part.

Langlois (Gauthier), Heretges als Pireneus catalans al final del segle XI?

     L’historiador català Tomic que escriu al segle XV, esmenta una expedició menada pel comte de Cerdanya, el comte i el bisbe d’Urgell contra heretges  » arrians  » de les seves terres al final del segle XI. L’estudi critico del relat conclou a la versemblança dels fets però proposa dues hipòtesis de datació. O bé els fets són bé del segle XI i llavors, cal relacionar l’esment de  » arrians  » amb esments similars a Aquitània al principi del segle XI i al Llenguadoc durant el segle XII. Hi hauria llavors als Pirineus catalans una tradició de l’heretgia que hauria afavorit el desenvolupament del catarisme a la regió en el segle XIII. O bé els fets relatats serien un record confús dels conflictes ocorreguts entre el final del segle XII i la primera meitat del segle XIII entre els vescomtes càtars de Castellbó, d’una banda, els comtes i el bisbe per l’altra.

Langlois (Gauthier), ¿Unos herejes en los Pirineos catalanes a finales del siglo XI?

     El historiador catalán Tomic que escribe en el siglo XV, menciona una expedición dirigida por el conde de Cerdaña, el conde y el obispo de Urgel contra herejes  » arrianos  » de sus tierras a finales del siglo XI. El estudio critico del relato confirma la verosimilitud de los hechos pero propone dos hipótesis de datación. O bien los hechos correspondent sin lugar a dudas al siglo XI. Entonces, hay que cotejar la mención de  » arrianos  » con menciones similares a Aquitania al principio del siglo XI y a Languedoc en el siglo XII. Habría entonces en los Pirineos catalanes una tradición de la herejía que habría favorecido el desarrollo del catarismo en esta región en el siglo XIII. O bien los hechos relatados serían un recuerdo confuso de los conflictos ocurridos entre fines del siglo XII y mitad del siglo XIII entre los vizcondes cátaros de Castellbó, por un lado, los condes y el obispo por el otro.

Langlois (Gauthier), Heretics in the Catalan Pyrenees at the end of the XIth century?

     The Catalan historian Tomic who writes in the XVth century, mentions an expedition led by the count of Cerdagne, the count and the bishop of Urgel against « Arian » heretics of their lands at the end of the XIth century. The critical study of the narrative concludes in the credibility of the facts but proposes two hypothesis of dating. The facts may date back to the XIth century. So the mention « Arians » would be compared to similar mentions in Aquitaine at the beginning of the XIth century and in Languedoc in the XIIth century. There would be then in the Catalan Pyrenees a tradition of the heresy which would have facilitated the development of Catharism in this area in the XIIIth century. Or the facts would be a vague memory of the conflicts between the end of the XIIth and the middle of the XIIIth century between the Cathar viscounts of Castelbon on one hand, the counts and the bishop on the other hand.

Complément bibliographique :

  • Còts e Casanha (Pèir). – « Arribèren es eretgies medievaus ena Val d’Aran e zònes vesies ? Estat dera qüestion », Miscellanèa en aumenatge a Melquíades Calzado de Castro “Damb eth còr Aranés”, Vielha : Institut d’Estudis Aranesi, 2010, pp. 211–229. [Version en ligne]

    (« Les hérésies médiévales sont-elles arrivées en Val d’Aran et dans les zones voisines ? État de la question ». Cet article publié en aranais, c’est à dire en occitan du Val d’Aran, ignore mon article publié dans Heresis).

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3 commentaires pour Des hérétiques dans les Pyrénées catalanes à la fin du XIe siècle ?

  1. Ping : Des hérétiques dans les Pyrénées catalanes à la fin du XIe siècle ? Un article d’histoire médiévale de Gauthier Langlois. | AEC / René Nelli

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    Merci pour cet éclairage !

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