Le choix d’un nom pour Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées

La procédure

Un logo provisoire et minimaliste pour la région dans son année de transition 2016

Un logo provisoire et minimaliste pour la Région dans une année 2016 de transition

     Le choix du nom définitif de la région issue de la fusion de Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées est entré dans une phase active. La Région a d’abord lancé une consultation ouverte à tous destinée à recueillir des propositions de nom. Un comité de consultation composé de 30 membres, réuni le 4 avril 2016 à Carcassonne, a retenu huit propositions. Lors de sa séance plénière du 15 avril prochain le Conseil régional retiendra parmi ces propositions celles qui seront soumises à une consultation citoyenne. Il décidera lors de la même séance la méthode par laquelle l’ensemble des citoyennes, citoyens et lycéens de la Région seront consultés. Suite à cette consultation citoyenne, les élus régionaux adopteront en assemblée plénière le 24 juin 2016, une résolution fixant leur choix. Un décret en Conseil d’Etat devra valider ce nom avant le 1er octobre 2016.

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Les propositions du Comité du nom    

Voici la liste des propositions de nom dans l’ordre dans laquelle elle a été publiée :

  • Languedoc
  • Terre d’Oc
  • Occitanie
  • Pyrénées-Méditerranée
  • Languedoc-Pyrénées
  • Pays d’Oc
  • Midi
  • Occitanie-Roussillon

     Cette liste appelle quelques réflexions. Les noms proposés se répartissent en deux catégories :

     Six sur huit sont porteurs d’une forte identité occitane, que cela soit à travers les termes Oc, Languedoc ou Occitanie. Le comité semble avoir avalisé le souhait des lecteurs des journaux du groupe la Dépêche qui s’étaient prononcés très majoritairement en faveur de noms identitaires. En revanche la référence à une identité catalane n’apparait que dans une seule proposition et sous la forme Roussillon. Les propositions contenant le mot catalan ou Catalogne ont été écartées, sans doute parce qu’elles apparaissent comme sources de polémiques, dans le contexte du développement de l’indépendantisme catalan outre Pyrénées.

     Deux noms ne font aucune référence explicite à l’identité culturelle et linguistique locale. Ils sont empruntés à la position géographique par rapport à Paris (Midi), ou au relief (Pyrénées-Méditerranées). Ces choix rappellent ceux des départements français. En 1790 l’Assemblée nationale avait voulu, en donnant aux départements des noms empruntés au relief (rivières, fleuves montagnes ou mers), faire table rase avec le passé, ses identités locales et ses privilèges. La consultation des forums et commentaires en ligne montre que le choix d’un nom sans référence identitaire possède ses partisans. En effet certains craignent qu’un nom identitaire, tout comme la reconnaissance officielle de l’Occitan via la ratification de la charte européenne des langues régionales, serait un pas vers l’éclatement de l’unité française.

 

À mon avis la liste proposée est encore trop longue. Il subsiste encore des variantes qui risqueraient de favoriser, comme dans les élections, la dispersion des voix. Par exemple il faut faire un choix entre Terre d’Oc et Pays d’Oc.

     Pour ce qui est de la méthode, le choix d’une consultation très large, qui ne soit pas limitée aux seuls électeurs de la région mais aussi au lycéens et éventuellement aux « expatriés » part d’une bonne intention. Mais cette méthode risque d’être difficile à mettre en oeuvre. Le référendum, jugé trop coûteux, semble écarté. Reste la solution d’un vote électronique mais qui risque de ne pas être fiable. La solution la plus fiable serait un sondage réalisé sur un large échantillon représentatif de la population par un institut indépendant. Cette solution permettrait également de ne pas se contenter d’un simple vote, mais de demander aux sondés de procéder à un classement.

Quelques enjeux du nom : identité et gentilé

     Quelque soit la méthode adoptée il me semble que les citoyens doivent être informés des enjeux des différentes appellations et puissent débattre de ces enjeux. Le nom d’un territoire doit plaire aux habitants de ce territoire. Mais il doit aussi permettre aux étrangers d’identifier facilement ce territoire. C’est sans doute pour cela que le nom Septimanie a été écarté pour notre région tout comme Austrasie pour la région finalement appelée Grand Est. Ces noms ne sont plus en usage depuis le Moyen Âge et sont donc peu connus en dehors du milieu des historiens. Le nom doit également être porteur de valeurs positives. Ainsi Sud de France a sans doute été écarté en raison de son acronyme SDF peu valorisant. Le nom doit également pouvoir être associé à un gentilé. Voici par exemple ce que cela donnerait en associant les suffixes –ien ou –ois aux différentes proposition :

  • Languedoc : languedocien (nom déjà existant).
  • Terre d’Oc : terredocien ? terredocois ? ociens ? ocois ?
  • Occitanie : occitan (déjà existant mais source de confusion) ou occitanien ?
  • Pyrénées-Méditerranée : pyrénéeméditerranéen ? (trop long) ou pyrénéen (nom existant mais aussi marque commerciale de confiseries donc source de problèmes).
  • Languedoc-Pyrénées : languedocpyrénéen ? (trop long).
  • Pays d’Oc : paysdocien ? paysdocois ?
  • Midi : midien ? midois ?
  • Occitanie-Roussillon : occitano-roussillonnais ? (trop long).

     Ce petit exercice montre que les noms composés se prêtent mal à la création de gentilés, à moins de ne retenir qu’un élément du nom. Restent donc seulement quatre noms qui peuvent être associés à un gentilé plus ou moins satisfaisant : Languedoc, Terre d’Oc, Occitanie et Midi.

 Le choix du nom Languedoc

Histoire-du-Languedoc     Dans la liste publiée par le comité du nom, l’appellation Languedoc arrive en premier, signe que cette appellation semble avoir la préférence des membres du comité.  Pour expliquer ce choix, il faut revenir à l’origine du nom.

Les origines du nom

     L’italien Dante, dans son ouvrage De vulgari eloquentia (1303-1304), distingue trois familles de langues romanes, selon leur manière de dire oui : la langue d’oïl (correspondant au français) ; la langue de si (correspondant à l’italien, l’espagnol…) et la langue d’oc (correspondant à l’occitan occitan et au catalan). En réalité l’expression langue d’oc apparaît quelques années avant, dans les documents de l’administration française. Elle désigne alors le domaine royal formé par la réunion des anciennes possessions des comtes de Toulouse et des Trencavel, vicomtes d’Albi, Béziers et Carcassonne. L’expression apparaît sous la forme latine suivante : in partibus lingua occitana, que l’on peut traduire par « dans les terres de langue d’oc ».

L’étendue géographique du Languedoc

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Cette carte, issue de l’excellent Atlas historique de la province de Languedoc réalisé sous la direction d’Élie Pélaquier, permet de comparer les limites de la région LRMP avec plusieurs divisions administratives anciennes. L’étendue de la Narbonnaise et de la province de Languedoc correspondent à un peu plus de la moitié de l’actuelle région. L’étendue de la juridiction du parlement (ou cour d’appel) de Toulouse constitue déjà un grand Languedoc coïncidant à plus de 75 % avec la région LRMP.

     Autrement dit, vers 1300, l’expression langue d’oc sert, au sens large, à désigner les langues catalano-occitanes qui sont alors perçues par les troubadours comme une langue unique. En ce sens l’ensemble de l’actuelle région appartient au domaine linguistique de langue d’oc, qu’on y parle gascon, languedocien ou catalan. Au sens restreint l’expression langue d’oc désigne la future province de Languedoc.

     Bien que l’étendue de cette province ne coïncide qu’avec la moitié de la région, elle comprend déjà les deux métropoles régionales de Toulouse et Montpellier et une partie de leur zone d’influence (voir carte ci-dessus). Si l’on tient compte de la répartition actuelle de la population, c’est sans doute plus des trois-quarts des habitants de la région qui vivent sur le territoire de l’ancienne province de Languedoc.

Un usage continu du nom

LeLanguedoc

Le bimensuel Le Languedoc, publié à Toulouse à partir de 1891, est l’un des nombreux témoignages de l’usage encore vivant du nom de l’ancienne province dont la ville rose était l’une des deux capitales. Sur cette image, servant d’en-tête au périodique, figure une vue de Toulouse d’où se détachent la silhouette de ses monuments les plus emblématiques dont l’église Saint-Sernin et un pont sur la Garonne. Le dessin est surmonté par les armes du Languedoc, telles qu’elles figurent sur les monuments construits par la province. La région est également symbolisée par un soleil, des palmes et un rameau d’olivier. Source : Gallica.

     Si la province de Languedoc a disparu avec la création des départements en 1790, l’usage du nom Languedoc est resté vivant jusqu’à nos jours pour désigner l’étendue de l’ancienne province. En témoigne par exemple le titre d’un éphémère bimensuel publié à la fin du XIXe siècle à Toulouse (voir ci-dessus). Ou encore l’Histoire du Languedoc de 1900 à nos jours, publié par maison d’édition toulousaine Privat en 1980 (voir ci-dessus). Ce n’est qu’avec la transformation, en 1982, des régions en collectivités territoriales, que l’usage du nom Languedoc se réduit pour ne désigner que sa partie méditerranéenne, c’est à dire les départements de la Lozère, du Gard, de l’Hérault et de l’Aude. Pour les plus jeunes Toulouse peut apparaître comme ne faisant pas partie du Languedoc. Il y a donc un effort pédagogique à faire sur ce point là.

En guise de conclusion

     Comme je l’avais écrit dans un précédent article sur ce blog, le nom Languedoc semble le meilleur choix. C’est le nom le plus consensuel pour concilier les différentes identités locales. C’est aussi le plus ancien, son usage est continu et il bénéficie d’une fort notoriété, notamment dans le domaine viticole. Cela n’empêche pas, toute comme vient de le faire la Région Grand Est, de mettre en sous titre d’autres noms tels que Pyrénées, Méditerranée ou Roussillon.

Pour en savoir plus :

     Les journaux du groupe la Dépêche ainsi que France 3 et France bleue proposent un vote sur les huit propositions :

     Ces journaux ont également publié une série d’interview sur le sujet. Voir en particulier :

     Si le nom Occitanie semble pour l’instant  emporter la faveur des votants en Midi-Pyrénées, ce choix pose des problèmes quant à son étendue géographique.  Voir en particulier les excellentes remarques que Michel Santo a publié sur son blog, la position de l’Institut d’Estudis Occitans et celle du Comité économique social et environnemental (CESER) :

      Des catalans protestent contre le choix du comité du Nom :

Différentes pétitions ont été mises en ligne et notamment :

Voir aussi les articles que j’ai publiés sur le même thème sur mon blog  :

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6 commentaires pour Le choix d’un nom pour Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées

  1. Franc Bardou dit :

    Bonsoir Gauthier,

    Ton article est bien pensé, comme toujours. Pour ma part, je ne participerai pas à ce choix, car aucune des occurences proposées ne peut me convenir.

    La zone dite Langudoc a du moins le mérite d’être historique, même si comme tu le fais remarquer, le dessin actuel ne correspond pas tout à fait à la province royale française tracée sur la chair meurtrie de cette partie (seulement) de l’Occitanie.

    La seule mention d’Occitanie qui serait convenable devrait être suivie de l’adjectif « centrale », car la Provence, l’Auvergne, l’Aquitaine et le Limousin font tout autant partie de l’Occitanie.

    En revanche, le Roussillon n’est pas languedocien ni n’a pas à l’être. Du coup, je me demande si Langudoc Roussillon pourrait convenir. Mais la Gascogne non plus n’est pas ni n’a pas à être languedocienne. Nous n’en sortirons pas…

    Il s’agit de l’Occitanie centrale et de la Catalogne nord. Voilà tout…

    Mais un tel choix n’est évidemment pas proposé, car, comme tu le dis de la seule Catalogne, il semble par trop problématique.

    Bonne soirée, et mes salutations amicales à ta Dame…

    Franc

    >

  2. Merci Gauthier pour ce cours magistral mêlant géographie, histoire et politique sur cette grande région de la Terre d’Occitanie où me semble-t-il la terre catalane, elle qui maintes fois a changé de « seigneurie » doit montrer son attachement au drapeau régional

    Donc pour moi Pays d’Oc me conviendrait pleinement et nous serions des Occitans

    Bien Cordialement de l’ARIÉ….JOIE du 09

  3. Alarius dit :

    Excellent article. Les historiens devraient être plus écoutés pour le choix du nom de la région. Ils sont dans le temps long.

  4. Michel Santo dit :

    Excellent Gauthier! je le fais suivre dans mon blog!

  5. Ping : Chronique du LRMP. Quel nom, et sur quels critères choisir? » Contre-Regards

  6. Arnaud dit :

    Avec Midi-Méditerranée on devient des miditerranéens et des miditerranéennes, c’est quand même plus sympa non ? Moi je dis ça, je dis rien….. http://blog.midi-méditerranée.com
    Je vous laisse réfléchir là-dessus
    « Miditerranéennement votre »
    Pierre Arnaud

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