Séismes historiques dans l’Aude, les Pyrénées-Orientales et l’Ariège

La secousse modérée qui a été ressentie autour de Lourdes le 29 avril 2014 ou plus récemment dans le Pays-de-Sault le 2 mars 2016 nous rappelle que les Pyrénées et notamment le département de l’Aude sont situés dans une zone qui a connu et connaîtra des séismes importants voire meurtriers.

L'Indépendant du 19 février 1996

L’Indépendant du 19 février 1996

Le séisme de Saint-Paul de Fenouillet en 1996 : la plus importante secousse de ces dernières années en France

     Le sud du département est la région de l’Aude la plus exposée aux tremblements de terre. Le dimanche 18 février 1996 à 2 heure 46 du matin un séisme de magnitude 5,2 sur l’échelle de Richter a secoué la région d’Axat et Saint-Paul de Fenouillet. Il a été ressenti jusqu’à Toulouse et Barcelone (voir carte). Je l’ai personnellement ressenti à la maternité de Carcassonne où j’ai été réveillé par un bruit sourd comparable à celui d’un gros camion qui passait devant la fenêtre tandis que les vitres, le lit et tous les meubles étaient secoués. Grâce à la profondeur du foyer (zone d’où part le séisme), et la situation de l’épicentre (zone située à la verticale du foyer) dans une région presque inhabitée, ce séisme n’a provoqué que la frayeur des habitants et des fissures dans des maisons des Corbières. Cependant une telle magnitude peut avoir des conséquences beaucoup plus graves : la même année, un séisme de même puissance a provoqué en Turquie la destruction de plusieurs villages et la mort d’un millier de personnes. Le 28 février 1997 en Iran, un séisme de magnitude 5,5 a provoqué la mort d’un millier de personnes, blessé 25000 autres et fait 60000 sans abris.

Carte de propagation des effets du séisme du 18 février 1996. Source : Sismicité de France - B.R.G.M.

Carte de propagation des effets du séisme du 18 février 1996. Source : Sismicité de France – B.R.G.M.

     La cause de l’activité sismique dans l’Aude est la rencontre de la plaque ibérique, poussée par la plaque africaine, avec la plaque européenne. Cette poussée est à l’origine du soulèvement des Pyrénées. De temps en temps, sous la pression de cette poussée, des pans de montagne se réajustent le long d’une faille.

Le séisme de 1428 dans les Pyrénées

     L’histoire et l’archéologie ont recueilli le souvenir de quelques séismes importants ayant touché la région. Le 2 février 1428 un séisme se produit dans les Pyrénées. C’est le plus important séisme ressenti en France. A son épicentre situé près d’Olot ou Camprodon en Catalogne espagnole, l’intensité atteint 9 sur l’échelle de MSK (qui en compte 12). Il provoque des centaines de mort et la destruction partielle de 62 villages. Dans les Pyrénées-Orientales par exemple le clocher d’Arles-sur-Tech, les remparts de Prats-de-Mollo et le monastère de Fontaclara se sont effondrés. Les secousses sont ressenties à Toulouse, Albi, Cahors, Avignon ou Barcelone. Compte tenu de son intensité et de sa situation, il a pu provoquer des dégâts importants voire des morts jusque dans le sud des Corbières. D’autant que ce séisme fait suite à une série de secousses qui se sont produites l’année précédente et qui ont du fragiliser un certain nombre de constructions.

Ruines de l'église Saint-Martin de Molhet. Photo: Annick Oliveras pour Vilatges al país.

Ruines de l’église Saint-Martin de Molhet. Photo: Annick Oliveras pour Vilatges al país.

La destruction du village de Molhet dans l’Aude

     Une tradition que j’avais entendue enfant vers 1975 affirme en effet que le village de Molhet (commune de Padern) aurait été détruit par un tremblement de terre. Les fouilles menées par Michèle et Jean-Bernard Gau vers 1990 ont mis à jour de grands pans effondrés de la chapelle Saint-Martin qui pourrait avoir été ruinée de cette façon. Ce village disparu est situé dans la zone la plus soumise aux risques sismiques du département de l’Aude. Il a pu être détruit par la secousse de 1428 ou une réplique plus locale. D’autres traces archéologiques possible de cette secousse ont été repérées dans la commune de Davejean un peu plus au nord. Des fouilles menées par Marylène Patou entre 1980 et 1984 dans la grotte du Garrolha ont montré que le plafond de la grotte s’était en partie effondré lors d’un séisme.  Le niveau d’effondrement scellait une couche contenant de la céramique de la fin du XIIIe.

Un séisme en 1779

     Des séismes de faible intensité, il y en a des centaines par an. Rien que pour l’année 1778 le BRGM en a recensé huit dans les Pyrénées. Et tous n’ont pas été recensés, notamment celui-ci relevé par Corinne-Bruno Costesèque dans les registres de baptême, mariage et sépulture de la commune de  Laroque-d’Olmes en Ariège : « Sera pour memoyre que le present jour vintieme octobre 1778 [corriger 1779] a onze heures avant midy etant derriere mon bureau jay clayrement et distinctement resenti un subit, court et fort tremblement de terre accompaigné dun proupt, acut et gros bruit sousterrain presque santral venant du sud; que lon madit quil a éte resenti a Mirepois, a chalabre, qua Montferrier des mortiers et des pierres en ont ete detachees du clocher qua Sabarat la route de leglise en a ete lezardee. jay du moins remarqué que la fontaine qui sortoit de dessous lautel de loratoire notre dame du bout du Pont St Martain qui avoit flué pendant les plus grandes secheresses sest retiree, et abaissee de pres dun pied et quelle paroit entierement tarir. »

     La description de ce séisme par le prêtre de Laroque d’Olmes est intéressante. La zone où il a été ressenti s’étant sur une longueur d’au moins cinquante kilomètres dans le Plantaurel. (Voir carte ci-dessous. Les points correspondent aux lieux cités par le prêtre). Selon la Gazette de France du 26 novembre, deux secousses ont été ressenties le même jour à Saint-Girons, l’une à 9 heures, l’autre à 9h45. La zone où ces secousses ont été ressentis correspond au chevauchement frontal Nord Pyrénéen (figuré en noir sur la carte ci-dessous), tout comme le séisme de 1996. Les dégâts semblent légers (les points rouges sur la carte) et correspondent à une intensité de 6 sur l’échelle MSK. L’épicentre est sans doute à situer autour de Foix. Ce séisme résulte probablement d’un réajustement le long d’une petite faille de la zone Nord-Pyrénéenne.

Pour en savoir plus :

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2 commentaires pour Séismes historiques dans l’Aude, les Pyrénées-Orientales et l’Ariège

  1. Le lycée Jules-Fil de Carcassonne où je travaille est équipé d’une station sismomètre à une composante installée et fonctionnelle depuis jeudi 12 Juin 2014. Vous pouvez suivre en direct la sismicité locale enregistrée en vous connectant à l’adresse : http://194.167.115.173/ ou le site http://www.edusismo.org/ en choisissant la station CARC.

    Note de 2019 : la station du lycée Jules Fil n’est plus active.

  2. J’ai mis à jour la bibliographie et les liens, corrigé la magnitude du séisme de 1996 selon les dernières données scientifiques, corrigé la date du séisme ressenti dans le Plantaurel (le prêtre avait par erreur écrit 1778 mais son récit est encadré par des actes de baptême d’octobre et novembre 1779), rapproché cette observation avec celle rapportée par la Gazette de France.

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