En 1660, suite au traité des Pyrénées, le jeune roi Louis XIV rencontre son homologue espagnol Philippe V puis se marie avec sa fille Marie-Thérèse d’Autriche en l’église de Saint-Jean-de-Luz. Pour célébrer cet évènement une série de tapisserie est réalisée par la manufacture des Gobelins. Un peintre en tirera deux tableaux conservés au Musée Tessé du Mans. Si ces tableaux sont très célèbres, leur auteur, Laumosnier, restait jusque là un inconnu. La découverte du nom de Laumosnier au dos d’un portrait conservé dans ma famille m’a amené à réaliser une véritable enquête pour découvrir ce peintre. Le résultat de cette recherche vient d’être publié dans la Revue de la Société historique et archéologique du Maine. On trouvera ci-dessous un aperçu des résultats de cette enquête, complété par la présentation d’un tableau conservé au château de Sceaux, récemment identifié comme étant l’œuvre de Laumosnier.
Une famille d’artisans aisés
Jacques Laumosnier est le fils de Charles et de sa seconde épouse Marguerite Martin, un couple d’artisans aisés établis à Paris. Le père, Charles, est maître potier d’étain et fils d’un paysan de Clichy-la-Garenne. Titulaire d’un office d’archer-sergent au Châtelet, il s’intitule bourgeois de Paris. Né entre 1664 et 1669, Jacques Laumosnier est encore mineur quand ses parents décèdent en 1681. Il passe sous la tutelle de son oncle maternel Guillaume Martin, maître passementier boutonnier, puis de son beau-frère le potier d’étain Thomas Loir.
Devenu adulte, il épouse Magdelaine Martin, fille d’un commissaire ordonnateur des guerres. De ce couple nait en 1709 René Laumosnier, qui exerce en 1729 le métier d’architecte.
Formé aux Gobelins
Jacques réalise sans doute son apprentissage à la manufacture des Gobelins, dirigée par les peintres Charles Le Brun et Adam Frans van der Meulen, puis, après 1690, par leur successeur Jean-Baptiste Martin. C’est probablement auprès de ce dernier qu’il apprend la peinture historiée. Il est reçu maître peintre le 7 avril 1693 et intègre l’Académie de Saint-Luc, communauté regroupant les maîtres peintres et sculpteurs parisiens.
Peintre du maréchal de Tessé
Travaillant probablement aux Gobelins comme tous les artistes de son entourage et ayant donc accès aux cartons conservés dans la manufacture c’est sans doute pour cette raison qu’il est choisi par le maréchal de Tessé pour réaliser les deux premiers tableaux qu’on connaît de lui : L’Entrevue de Louis XIV et de Philippe IV dans l’Île des faisans et Le mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche à Saint-Jean-de-Luz. Ces deux tableaux sont en effet des copies réduites de cartons de haute lisse des Gobelins, d’après Charles Le Brun et Adam Frans van der Meulen. Au total, entre 1694 et 1725, Laumosnier réalise pour le maréchal de Tessé, son protecteur et principal client, neuf grands tableaux représentant les évènements marquants de la vie du maréchal. Cela l’amène peut-être à séjourner dans les résidences de son protecteur : l’hôtel de Tessé au Mans et le château de Vernie situé à une vingtaine de kilomètres de cette ville. Mais il reste domicilié entre 1705 et 1743 rue Saint-Denis dans la paroisse Saint-Nicolas-des-Champs à Paris.
Peintre du roi
A partir de 1718 Jacques Laumosnier se pare du titre de peintre du roi, ce qui suppose qu’il ait effectivement travaillé pour le souverain. Il semble collaborer avec les peintres de fleurs Jean-Baptiste Belin de Fontenay père et fils, connus pour avoir exercé dans différentes résidences royales telles que Saint-Germain, Fontainebleau ou encore Versailles. Mais les œuvres que Laumosnier a réalisées pour le roi restent à identifier.
Peintre au service de l’aristocratie et de la bourgeoisie
Après la mort en 1725 de son protecteur, Jacques Laumosnier reçoit diverses commandes privées. Il participe, sans doute sous la direction d’Augustin Oudart Justina, à la décoration du château d’Ermenonville pour le vicomte du même nom, entre 1725 et 1732. Il réalise aussi des portraits à la manière de Hyacinthe Rigaud, le peintre le plus en vogue à cette époque, pour de riches aristocrates ou bourgeois tels que l’évêque d’Arras (vers 1725) ou le financier Jean-Baptiste Petit-de-Saint-Lienne (1728). Le buste tourné vers la droite et le drapé du portrait ci-dessous sont inspirés, selon Stéphane Perreau, de divers portraits réalisés par Rigaud, notamment celui de la Martinière et celui du marquis de la Mésangère daté de 1712.
On retrouve notre peintre quelques années plus tard au service du duc du Maine, fils de Louis XIV et de madame de Montespan, et de son épouse Louise Élisabeth de Bourbon. Pour la duchesse il peint en 1735 la Nymphe de Sceaux. Il s’agit encore, comme une partie des tableaux réalisés pour le maréchal de Tessé, d’une peinture réalisée d’après un dessin de Charles Le Brun. Le dessin en question constituait le frontispice d’un poème écrit en 1677 par Philippe Quinault, célébrant les fresques réalisées par le peintre sur la coupole du Pavillon de l’Aurore.
Professeur à l’Académie de Saint-Luc
En 1735 il exerce, comme professeur à l’Académie de Saint-Luc. Parmi les peintres qu’il a pu contribuer à former citons Laurent Cars (1699-1771), qui exercera surtout comme graveur et dont l’une des premières œuvres reprend le portrait de l’évêque d’Arras par Laumosnier.
À la date de son dernier acte connu, en 1744, Jacques Laumosnier est âge de plus de 75 ans et n’exerce plus. Il meurt sans doute peu après.
En guise de conclusion
On mesure le chemin parcouru sur la connaissance de cet artiste et son œuvre sachant qu’à l’exception du catalogue des peintures du musée Tessé réalisé par Élisabeth Foucart-Walter en 1982, les ouvrages de référence tel que le Bénézit ne connaissaient de ce peintre que son nom de famille et ses œuvres conservées au Mans. Toutefois, nous ne connaissons que douze tableaux de cet artiste. C’est peu pour un peintre qui a exercé pendant un demi-siècle. Il faut dire que Jacques Laumosnier a réalisé surtout des copies ou des tableaux à la manière de ses maîtres ou inspirateurs. C’est sans doute plus un bon technicien qu’un artiste. L’essentiel de son œuvre reste anonyme et consiste peut-être en des copies ou des œuvres de collaboration qu’il n’a pas signées. Reste que l’identification récente de sa signature sur la Nymphe de Sceaux montre que de nouvelles découvertes sont à attendre.
Pour en savoir plus :
- Gauthier LANGLOIS, « Peintre du maréchal de Tessé et peintre du roi, Jacques Laumosnier (…1669-1744…) », Revue de la Société historique et archéologique du Maine, quatrième série, tome douze (année 2012), 2016, p. 157-174.
- Présentation de la restauration du tableau « Laumosnier, Nymphe de Sceaux, 1735 » par la restauratrice Nadège Jacobé.
- Présentation du tableau « La Nymphe de Sceaux » sur le site du Musée du Domaine Départemental de Sceaux.
- Élisabeth FOUCART-WALTER, Mans, Musée de Tessé : peintures françaises du XVIIe siècle, Éd. des Musées Nationaux, 1982, p. 87-91.
- Le Musée Tessé au Mans.
- Les tableaux de Jacques Laumosnier conservés au Musée Tessé sur la base Joconde.
- Les tableaux de Jacques Laumosnier conservés au Musée Tessé sur la base de l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux.
- Stéphan PERREAU, « Ces Gentilshommes de Rigaud », [en ligne], 21 mai 2012, http://www.hyacinthe-rigaud.over-blog.com.
Intéressant , peut être que Marie Thérèse d’Autriche lui a fait des commandes qu’elle a envoyé à sa famille espagnole , et par conséquent des œuvres se retrouvent en Espagne, , merci Gauthier pour le travail de recherche ,